Les Ezidis de France

Pro Armenia 15.03.1906

Pendant 275 ans (1640 - 1915), les Yézidis ont été massacrés et soumis à des tentatives de génocides dans l'Empire ottoman.   
 
L'Empire ottoman considérait la religion yézidie comme étant hors-la-loi, et cela justifiait leurs actes : les massacres et les conversions forcées à l'islam. Les Yézidis n'avaient aucun droit dans l'Empire ottoman, qui cherchait tout le temps des raisons pour faire la guerre contre les Yézidis. Ils les obligeaient à payer des impôts en double s'ils ne se convertissaient pas. 

 

Vous avez entendu parler du génocide arménien dans l'Empire ottoman. Selon les estimations, cela a duré quelques décennies. Sans aucun doute, le peuple arménien a beaucoup souffert dans l'Empire ottoman. Il est important de préciser que, avant les persécutions, certains arméniens occupaient des postes importants. Politiciens, scientifiques, ministres, ils avez des droits et étaient respectés. 

 Par contre, les Yézidis n'ont pas eu ces privilèges sociaux. Ils étaient privés de tout cela et n'ont vu que la violence, les persécutions et la destruction en masse pendant plusieurs siècles. On disait d'eux qu'ils étaient des adorateurs du Diable.  

 
Les premières sources indiquent que les Yézidis ont été maltraités depuis 1640. Voici une liste chronologique des dates que nous connaissons.

 


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Il serait oiseux de détailler toutes le persécutions dont 
les Yezidis furent les victimes (1). Nous nous contenterons 
d'énumérer chronologiquement celles qui nous sont con- 
nues (2). 

 

1050 (1640-1) : les Yezidis du Sindjâr ayant pillé quel- 
ques villages aux environs de Mardine, Ahmed pacha, gou- 

 

(1) Nous sommes bien renseignés sur le sort des Yezidis du 
Sindjâr et du Cheikhan ; par contre nous ignorons celui des secta- 
teurs de shek Hadî résidant dans les autres pays kurdes. Sans doute 
fut-il encore moins enviable encore. Dès le XVIII siècle, un certain 
nombre de communautés yezidies du Kurdistan méridional, réduites 
à presque rien, durent se rassembler pour former un groupement 
qui s'aggloméra aux Millî et dans lequel les anciennes tribus ne 
figuraient plus qu'à l'état de fractions. D'autres collectivités, égale- 
ment incapables de se maintenir, refluèrent vers le Sindjâr et 
vers le Djebel Simân, où elles subsistent encore aujourd'hui 
(cf. ci-dessous, ///, Peuplement, ainsi que Les Yezidis de Syrie). 

(2) Cf. les textes reproduits par A.'Azzâwï, op. cit,, p. 114-131.
 
  

verneur de Diarbekir, va les relancer chez eux avec 70.000 
hommes (!)(1). 

 

1057 (1647-8) : Mh-za beg, Émir du Cheikhan, qui récla- 
mait le gouvernement de Mossoul se le voit refuser et se 
révolte. Samsï pacha, gouverneur de Van, se met en campa- 
gne contre lui et, après une lutte difficile, le capture et le 
fait mettre à mort (2). 

 

1127 (1715) : prétextant leurs rapines, le vali de Bagdad 
Hasan pacha va attaquer les Yezidis du Sindjâr qui doivent 
se retrancher à Xatûnîyê où ils ne résistent d'ailleurs que 
très peu de temps. Après un terrible massacre, Qasan pàcha 
confie le gouvernement du Sindjâr au chef des Bédouins 
Tayy. 

 

1146 (1753-4) : Ahmad pacha ravage les villages yezidis 
du Zâb. 

 

1166 (1752-3) : Suleymân pacha attaque les Yezidis du 
Sindjâr et en tue un grand nombre. 

 

1181 (1767-8) : Amin pacha, gouverneur de Mossoul, 
envoie son fils razzier le Sindjâr. Le jeune homme réclame 
1.000 tètes de bétail aux habitants. Ces derniers lui en 
donnent 800. Le Turc, qui ne s'en contente pas, attaque 
les Yezidis et leur tue quelques hommes. 

 

1184 (1770-1): révolte de Bedax beg,Émir du Cheikhan. 

 

1187 (1773-4) : razzia du vali de Mossoul au Sindjâr. 

 

1193 (1779): le vali de Mossoul envoie son frère razzier le Sindjâr, 

 

1200 (1785-6): Abd el Bâqî, vali de Mossoul, tente 

 

(1) Pour cet événement, cf. aussi Evliya Tclielebi, cité par 
Th. Menzel, op. cit., p. 203. Sur l'armement des Yezidis à cette 
époque, voir ibid., p. 207. Les habitants du Sindjâr ne possédaient 
que des sabres et de très mauvais fusils : « Wenn du ihre Flinten 
sàhest, so wûrdest du sie um keinen Preis kaufen. Sie sind gar 
nicht kostbar. Aber, sie treffen gut das Ziel ». 

(2) On chante encore aujourd'hui les aventures de şêx Mîrza, 
 
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une expédition au Sindjâr mais il se laisse battre et il est 
tué avec la plupart de ses hommes. 

 

1201 (1786-7) : Çolobeg, Émir du Cheikhan, intervient 
dans une lutte qui met aux prises le pacha de Amàdiyya et 
quelques uns de ses parents. Il se fait battre. 

 

1204 (1785-90) : Çolo beg est battu par les Tayy ; onze 
de ses parents sont tués. Pour les venger il multiplie les 
razzias contre ses adversaires et massacre tous les Tayy 
isolés qu'il parvient à surprendre. 

 

1205 (1790-1) : Çolo beg est assassiné par Ismâ il pacha, 
de Amâdiyya, qui le remplace par un homme à lui, Xencer 
beg. 

 

1206 (1791-2) : razzia des Tayy au Sindjâr. Au Chei- 
khan, Ismâ il pacha se brouille avec Xencer beg, le jette en 
prison et le destitue au profit de Hesen beg, fils de Çolo 
beg(l). 

 

1207 (1792-3): razzia de Mohammad pacha, vali de 
Mossoul, au Sindjâr ; il brûle huit villages. 

 

1208 (1793-4) : expédition du même gouverneur contre 
les Mihîrkan (Sindjâr). Il tombe dans une embuscade et se 
fait battre. 

 

1209 (1794-5) : un détachement envoyé par Suleymàn 
pacha, de Bagdad, razzie le Sindjâr, enlevant soixante 
femmes et six mille têtes de bétail. 

 

1214 (1799-1800) : aidé par les Bédouins Obeyd, Çam- 
dàn et Tayy, Abd el Azlz beg, de Bagdad, ravage le Chei- 
khan où il détruit 25 villages. 

 

1217 (1802-1803) : Ali pacha, de Mossoul, décide de 
soumettre le Sindjâr. Il vient camper avec ses hommes au 
pied du versant septentrional de la Montagne et fait garder 
le versant sud par les Bédouins. La lutte se poursuit durant 

(1) Hesen beg fut, plus tard, rais à mort par le prince de Amâ-
diyya. Cf. Socin, op. cit., texte XLIII, introduction.
 
 

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plusieurs mois; de nombreux hameaux sont rasés, les ar- 
bres abattus. Enfin, les Yezidis acceptent les conditions de 
leur adversaire et prennent l'engagement de reconstruire 
leurs villages dans la plaine (1). 

 

1224 (1809-10) ; razzia au Sindjâr du vali de Bagdad, 
Suleyman Qatîl : il pille Balad Sindjâr, Mîhîrkan et quel- 
ques villages du Nord (2). 

A partir du début du XIX siècle, les sources utilisées 
par A. Azzâwï demeurent muettes, et l'on doit se reporter 
aux récits des voyageurs européens. 

En 1832, se déroula l'un des épisodes les plus sanglants 
de l'histoire yezidie.Bedir Xan beg, émir de Bohtan, envahit 
le Gheikhan. Les Yezidis furent écrasés, malgré leur résis- 
tance acharnée. Leur prince, Elî beg, fait prisonnier, fut 
conduit à Ravandouz où on le supplicia. Les Kurdes com- 
mencèrent alors à massacrer et à piller. Pour sauver au 
moins leur vie, les habitants du Gheikhan tentèrent de 
gagner le Sindjâr, mais, arrivés aux portes de Mossoul, ils 
furent arrêtés par une crue du Tigre. Quelques-uns par- 
vinrent à traverser le fleuve à la nage, les autres, restés sur 
la berge, furent égorgés par leurs poursuivants (3). 

En 1838, Hafi pacha, vali de Diarbekir, attaqua de 
nouveau le Sindjâr (4). Quelques années plus tard, en 1846, 
Layard put assister en personne à une expédition contre le 
Djebel, organisée par Tayyâr pacha, gouverneur de Mossoul. 

(1) Naturellement cette promesse ne fut jamais tenue. 

(2) Cf. un autre récit de cet événement que fournit Isma'îl 
beg, (op. cit., p. 109-110): Suleyman pacha massacra par traîtrise 
un grand nombre de Yezidis. 

(3) Cf. Oppenheim, Von Mittelmeer zum persischen Golf, 
ch. XVIII et Layard, Niniveh and its remains, t. I, p. 276-7. 

(4) Cf. Layard, op. cit., t. I, p. 278 et Isma îl beg, op, cit., 
p. U3-115.
 
 

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Comme les Yezidis de la Montagne se plaignaient depuis 
longtemps d'avoir à payer des impôts trop lourds, le pacha, 
décida d'aller lui-même enquêter sur les lieux. Il se mit en 
route, à la tête d'une assez forte escorte. Arrivé en vue de 
Mihîrkan, il envoya des parlementaires pour rassurer les 
habitants sur ses intentions ; ces messagers furent reçus à 
coups de fusil. Tayyâr pacha, furieux, fit réduire le village en 
cendres ; les Yezidis, réfugiés dans les cavernes de la Mon- 
tagne résistèrent durant trois jours, tuant un bon nombre 
de Turcs ; enfin, à la faveur de la nuit, ils évacuèrent les 
lieux. Le vali renonça à poursuivre son enquête et regagna 
Mossoul (1). 

Les relations de Layard avec les Yezidis eurent pour 
ceux-ci les conséquences les meilleures ; l'attention des 
Anglais se trouva attirée sur leurs malheurs ; aussi lorsqu'en 
1849 on voulut imposer le service militaire obligatoire aux 
sectateurs de shêk Hadî, les émissaires qu'ils dépêchèrent à 
Constantinople obtinrent facilement, grâce à l'intervention 
de l'ambassadeur britannique, Stradford, un fîrman qui 
exemptait leurs coreligionnaires de cette charge. En 1872 la 
Porte supprima le privilège qu'elle avait accordé aux Yezidis. 
Ces derniers présentèrent alors un mémoire dans lequel ils 
exposaient les raisons pour lesquelles leur religion leur 
interdisait de fournir des soldats (2). De nouveau ils obtin- 
rent la faculté de se racheter, moyennant une taxe spéciale. 

En 1892, les Yezidis durent faire face à une nouvelle 
persécution. Cette année-là, le général Omar Vahbl pacha, 
qui avait été envoyé en Mésopotamie pour aider au recou- 
vrement d'impôts en retard, remit à l'Émir du Gheikhan un 
ultimatum par lequel il sommait les membres de la secte de 

(1) Cf. Layard op. cit., t. I, p. 310-324 et Isma'îl beg, op. cit., 
p. 115-116. 

(2) Nous avons dit plus haut (cf. ci-dessus, p. 5) ce qu'il 
fallait penser de ce document. 
 
 

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choisir entre l'extermination totale et l'adoption d'une reli- 
gion admise parle Coran. Le prince refusa. Secondé par les 
Sammar et par des bandes kurdes,Omar Vahbî envahit le 
Sindjâr et le Gheikhan et entreprit d'en massacrer les habi- 
tants jusqu'au dernier. On dit que 15.000 yezidis se conver- 
tirent pour échapper à la mort (1). Le général mit Shêk Hadî 
au pillage, s'empara des sincaq qui furent envoyés à Mossoul 
et installa dans l'enceinte même du sanctuaire une madrasa 
musulmane qui subsista douze ans. Cependant, les Chrétiens 
de la région et les consuls étrangers de Mossoul s'émurent, 
ils adressèrent de violentes protestations à la Porte, Omar 
Vahbî pacha fut rappelé en 1893 (2). 

Quelques années plus tard, lors de son voyage en Iraq, 
Oppenheim entendit parler d'une nouvelle expédition contre 
le Sindjâr, ainsi que d'un conflit entre les Kurdes et les 
Yezidis du Cheikhan (3). Ces alertes ne furent suivies, 
jusqu'à la Guerre, d'aucun événement grave. En effet, le 
successeur de Omar Vahbî à Mossoul, Ntirî pacha, ne cessa 
de faire preuve d'une grande bienveillance à l'égard des 
Yezidis (4). 

De 1914 à 1918, les Yezidis durent à leur isolenjent 
d'ignorer à peu près complètement les luttes qui se dérou
laient en Europe et en Asie. Ils profitèrent cependant des 
premières circonstances favorables pour secouer le joug otto- 
man. Lorsque commencèrent les massacres d'Arménie, les 
habitants du Sindjâr offrirent leur protection aux Chrétiens 

(1) L'année 1892 est restée célèbre dans les annales du Sindjâr 
sous le nom d'« Année du Général ». 

(2) En Europe, l'indignation fut grande ; c'est à cette occasion 
que Menant publia son livre sur les Yezidis. 

(3) Cf. Oppenheim, op. cit., p. 142-3. 

(4) Il est l'auteur d'un petit traité sur les Yezidis traduit du 
turc par Th. Menzel (Cf. op. cit.). C'est lui qui fit supprimer la 
tnadrasa installé par Omar Vahbî à shek Hadî, 
 
 

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et en recueillirent une vingtaine de mille qui demeurèrent 
au Djebel jusqu'à la fin des hostilités (1). Sommés parles 
autorités de livrer leurs hôtes, ils refusèrent. En Février 
1918 un détachement turc fut envoyé pour châtier les rebel- 
les, avec l'aide de contingents bédouins. Les Yezidis atta- 
quèrent les troupes gouvernementales près de Balad, mais 
sans succès : ils furent repoussés et durent se réfugier dans 
la Montagne où ils continuèrent à résister en attendant des 
secours (2). En effet, Isma îl beg, cousin de l'Emir du Chei- 
khan et résidant alors au Sindjâr, où il avait la haute main 
sur les affaires politiques, s'était mis en route pour Bagdad, 
dès les premiers revers. Au péril de sa vie, il parvint au ter- 
me de son voyage et se mit à la disposition des Alliés. Quel- 
que temps après, les Anglais étaient accueillis en libérateurs 
par les tribus du Sindjâr. 

 

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